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  L E  P A S S E  
 
Retournons à nos clubs musulmans en disant que, dans leur Ligue respective, ils ont eu à affronter des équipes européennes plus nombreuses, plus riches et beaucoup mieux structurées. Pendant longtemps, l’USM Oran d’une part, le MC Alger d’autre part, seront, chacun de son côté, seuls à faire face aux ténors de l’Oranie et de l’Algérois qui avaient pour nom AS Marine Oranaise, Club des Joyeusetés ou Sporting de Sidi Bel Abbés, FC Blidéen, AS Boufarik, Gallia d’Alger et AS St Eugène. Dans l’Est du pays on pourrait citer les meilleurs clubs européens qui se trouvaient surtout à  Bône (Annaba) : l’AS Bône et la JBAC. Et sur le terrain, tout comme dans les gradins, ce ne sont pas seulement les couleurs de leurs clubs que les joueurs algériens défendaient. L’élan communautaire et la fibre nationaliste ayant sans cesse inspiré les acteurs musulmans et dominé les débats…
Mais les obstacles, auxquels ont eu à faire face les clubs musulmans, n’étaient pas seulement et purement d’ordre sportif. En effet, dans la situation coloniale que vivait le pays, la constitution d’équipes strictement musulmanes n’était pas pour plaire aux autorités locales. Sans les interdire, elles vont s’efforcer de leur imposer, par des textes réglementaires et autres circulaires, un certain nombre de mesures les obligeant par exemple, à prévoir, en leur sein, un quota de joueurs non musulmans ou encore en leur interdisant de changer le nom du club (en vue de l’arabiser), sous peine de se voir rétrograder au fin fond de l’échelle des compétitions, enfin de devoir inclure l’adjectif « français » dans le nom du club. C’est pour cette raison qu’il y eut des équipes dénommées : l’Union Sportive Franco Arabe de Tlemcen (USFAT), l’Union Sportive Franco Musulmane de Sétif (USFMS)  ou bien l’Espérance Sportive Franco Musulmane de Guelma(ESFMG).
Choisissant pour exemple la Ligue d’Oran et le club de l’USM Oran, Didier Rey, professeur à l’Université de Corte, a narré, dans une étude remarquable et originale presque dans le détail, les péripéties restrictives endurées par les clubs de football musulmans, en Algérie à cette époque, beaucoup mieux que je le ferais ici moi-même.  Voir : « Le temps des circulaires ou les contradictions du football colonial (1928-1945) » Didier REY.
Ainsi écrit-il, et je cite : « Après de graves incidents survenus dans le championnat de la Ligue de Constantine, une circulaire du Gouverneur général de l’Algérie décréta en 1928, l’interdiction des rencontres entre les clubs sportifs composés les uns d’européens les autres d’indigènes ». Le texte invitait aussi instamment les autorités sportives locales « à faire fusionner les clubs musulmans et les clubs dits européens et ce, en vue de la disparition totale des associations et sociétés sportives musulmanes.». Ces mesures à caractère répressif rencontrèrent à l’évidence une très grande résistance aussi bien passive qu’active des clubs musulmans. Mais aussi de la part des clubs européens qui ne souhaitaient pas se voir « envahis » par des joueurs « indigènes ». Sans omettre de signaler l’opposition des différentes Ligues sportives, lesquelles, bien que dirigées par des européens, n’appréciaient guère l’intrusion de l’administration coloniale dans leurs affaires.
Les clubs musulmans plieront sans se briser : le MCA et  l’USMO conserveront leur nom d’origine ; d’autres clubs seront même créés avec l’appellation type : Union Sportive Musulmane, Jeunesse Sportive Musulmane ou Espérance Musulmane et fleuriront ailleurs, notamment à Blida, Sidi Bel Abbés, Mostaganem et Bône (Annaba) etc…avec de nouveaux Mouloudia à Constantine, Bejaia et Saïda notamment.
Cette législation répressive sera allégée, oubliée ou renouvelée au gré des circonstances que dictait l’évolution politique. D’une part la montée des sentiments nationalistes n’augurait rien de bon pour les autorités coloniales. D’autre part la seconde guerre mondiale et l’émergence du régime de Vichy, feront  passer au second plan les préoccupations de cette nature.
Ceci dit, ces clubs vont faire face en dépit des aléas et des obstacles, sachant « surfer » sur la bonne vague afin de ne pas perdre leur âme.  Didier Rey nous apprend ainsi  « qu’en vue de tourner les difficultés, le club de l’USM Oran s’est, à un moment donné, offert un européen pour président. Et pour respecter la règle du quota, ce club engagera jusqu’à 30 joueurs d’une équipe israélite qui venait de s’auto dissoudre. Ce transfert massif fut rejeté par les autorités.»  Elles considéraient sans doute, mais sans le dire, que les Juifs n’étaient pas français. Le décret Crémieux leur avait pourtant bien accordé la nationalité française depuis 1870 ! Bref ! Les clubs musulmans sauront se défendre, à la fois sur les terrains de football, mais aussi contre l’adversité multiple et multiforme qui ne se résumait pas aux seuls onze joueurs de l’équipe d’en face. Didier Rey rapporte des situations cocasses et ubuesques. La « comédie » des mesures discriminatoires à l’égard des clubs musulmans prendra fin en 1945 à la suite du débarquement américain en Afrique du Nord et l’installation d’un Gouvernement provisoire français à Alger.
Je citerai, en conclusion de ce thème,  quelques phrases du dernier paragraphe de l’étude de Didier REY : « L’administration finit donc par capituler et renonça à son projet de dissolution du football musulman dans le football européen d’Algérie. L’échec fut patent sur toute la ligne. Les circulaires n’empêchèrent nullement les violences sur les terrains…elles ne freinèrent pas non plus l’expansion du nationalisme algérien qu’elles comptaient réduire ; au contraire celui-ci trouva dans ces mesures un terrain favorable à son développement ».
Didier Rey termine son étude en signalant que "commissaire de police et sous-préfet de Tlemcen furent  informés que le chant patriotique « Min Djibalina » avait été entonné fin 1945, dans les gradins du stade de Aïn Témouchent, lors d’un match face à l’équipe européenne de Beni Saf" !!
Revenons aux compétitions sportives proprement dites pour noter qu’au sein de la Ligue d’Alger, le Mouloudia d’Alger et l’USM Blida, représentants des clubs non européens, n’ont jamais été très performants, exception faite de la première place  en 1945 du MC Alger ex aequo avec l’AS St Eugène.(1) Ailleurs, en revanche, à Oran et Constantine, les clubs musulmans ont su beaucoup mieux s’affirmer et glaner à plusieurs reprises des titres de champion dans leur Ligue respective.
Il en fut ainsi de l’USM Oran qui remporta  7  titres de champion d’Oranie, s’imposant en tant qu’adversaire numéro un des tout puissants CDJ, déjà cité, ASMarine d’Oran et Sporting Club de Sidi Bel Abbés (SCBA), ce dernier, connu pour être le club de la Légion étrangère, dont le siège se situa dans cette même ville pendant plus de 100 ans. L’USM Oran  atteindra même trois fois la finale du championnat d’Afrique du Nord, en 1933, 1935 et 1950 et aussi 1 fois la finale de la Coupe d’Afrique du Nord en 1954. En 1950, le club musulman du Gallia de Mascara viendra rejoindre l’USMO en Division d’Honneur et réussira à s’adjuger le titre de champion d’Oranie, dès la première année de son accession.
Dans la Ligue de Constantine, les clubs musulmans ont été plus nombreux à se distinguer en remportant le championnat de leur Ligue. Ce fut le cas du Mouloudia de Constantine en 1940 et 1949 et de l’USFM Sétif en 1946 et 1951. L’USFM Sétif qui réussira à s’imposer moins d’un an après les terribles massacres, par l’armée coloniale française, de milliers de civils algériens, en Mai 1945, massacres qui avaient endeuillé la ville et toute la région (Sétif, Guelma et Kherrata notamment).
Il y aura eu aussi  l’USM Bône (Annaba) championne en 1947 et surtout l’ESFM Guelma qui récolta 3 titres de champion du Constantinois en 1952, 1954 et 1955. 1955 s’étant avérée l’année faste pour ce club qui, dans la foulée, ira aussi conquérir (2-1) à Casablanca, le titre tant convoité de champion d’Afrique du Nord, face au prestigieux Wydad local. En somme la grosse cerise sur le gâteau !
 
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