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  L E   P A R C O U R S  
 

LE   SURSAUT


A 35 ans, lui aussi à un âge où certains jouent encore au football, voici donc Mahieddine Khalef chargé de diriger la sélection. En tant que joueur, il n’avait pas remporté de titre. Il n’avait jamais joué en équipe nationale. Mais il s’était rattrapé joliment en tant qu’entraîneur de la JS Kabylie, à laquelle il fit gagner le doublé Coupe-Championnat en 1977, la seconde place du championnat en 1978 et 1979 et enfin une place de finaliste en Coupe d’Algérie en 1979. Pour le nouveau coach, les échéances sont, en septembre, les Jeux Méditerranéens de Split en Yougoslavie, le second tour qualificatif face au Maroc, pour le compte des Jeux olympiques de Moscou, enfin la phase finale de la CAN au Nigeria.


Pour mener à bien ce programme, Khalef va disposer de l’appoint d’un entraîneur yougoslave, Zdravko  Raykov, ancien attaquant international du milieu des années cinquante. C’est en altitude, à Mexico d’abord, en Suisse ensuite, que la sélection va préparer le premier rendez-vous du calendrier. A Split, au sein de son groupe, l’Algérie va obtenir le même résultat nul (1-1) face à la France  amateurs et la Tunisie, avant de battre la Turquie amateurs (1-0). Deuxième de son groupe, elle va avoir à affronter, en demi-finale, l’adversaire qu’il fallait éviter, à savoir, les locaux serbo-croates.


 Mièvres et plutôt quelconques lors de leurs premiers matches, les Algériens vont toutefois se réveiller et réaliser face aux Yougoslaves une de leur plus belles prestations. Menés (0-1) après 6 minutes de jeu, les Verts, bientôt omniprésents et dominateurs, vont prendre l’ascendant sur l’adversaire  et  l’avantage au score, grâce à des buts signés Douadi et Belloumi (37’ et 65’). L’équipe yougoslave timorée, prend la leçon. Mais profitant du repli défensif des algériens, elle  reprend  l’initiative. Et pourtant l’arrière Merzekane fut à deux doigts de « tuer » le match, ratant de peu le 3° but. Les contres yougoslaves vont être décisifs, qui leur permettent d’égaliser et de prendre l’avantage (2-3).Un troisième but des locaux qui va sonner le glas des espérances algériennes et aussi, faut-il l’ajouter, donnera le coup d’envoi d’une bagarre quasi-générale au cours de laquelle Merzekane et un soigneur se feront particulièrement remarquer. La médaille de bronze remportée face à la Grèce (2-1) sera une maigre consolation pour Cerbah, Guendouz et consorts.


Les échos de cette belle prestation mettront longtemps à s’apaiser. Ce qui aidera à attendre sereinement la double opposition Maroc-Algérie. Merzekane, suspendu par la Fédération algérienne,  ne sera pas de la partie qui, a priori, s’annonce aisée si l’on se réfère à la prestation plus que modeste du Maroc à Split. Les deux sélections ne s’étaient plus rencontrées depuis 1974. Les matches disputés peuvent être qualifiés d’équilibrés ; ils s’étaient toujours déroulés dans une atmosphère de correction totale. Et chacun d’espérer que cela va durer en dépit du fait que, depuis 1976, le Maroc avait rompu ses relations diplomatiques avec l’Algérie, pour cause de Sahara Occidental.

Pour le match aller qui se déroule à Casablanca, Khalef et Raykov vont se montrer plutôt conservateurs, bien qu’ils  surprendront plus d’un en laissant Ali Bencheikh sur le banc. En revanche, ils répondront à l’attente générale en confirmant au poste d’avant centre Tedj Bensaoula, sociétaire du Mouloudia d’Oran. La vraie surprise viendra de Guy Cluseau, sélectionneur du Maroc, qui n’hésite pas à battre le rappel de quelques anciens tels le gardien Hazzaz, le défenseur Larbi et l’attaquant Faras plus ou moins retirés des affaires. A la demande expresse du Ministre Djamal Houhou et afin d’éviter tout problème, c’est un trio arbitral italien, conduit par M. Michelotti, qui est appelé à diriger les débats, dans un stade d’Honneur pris d’assaut par un public coloré et enthousiaste en cet après-midi tout à fait printanier de Décembre.


Pendant d’interminables minutes les joueurs marocains, encouragés par une affluence record, vont mettre à mal le gardien  Cerbah et ses défenseurs qui, contre vents et marées, arrivent à garder leurs buts vierges. Les joueurs marocains sont partout : actifs, entreprenants et pleins d’imagination. Ils n’ont qu’un défaut ils ne tirent pas au but. Et les Algériens me direz-vous ? Après un quart d’heure de jeu, Bensaoula  s’échappe, résiste à trois défenseurs avant de marquer en coin à ras de terre. Le public continue d’encourager son équipe.  Une minute plus tard, à la suite d’un excellent et rapide échange de passes entre Assad et Belloumi, la balle échoit à Bensaoula qui, d’une magnifique reprise de volée, portera le score à  2-0. Les  spectateurs sont désormais partagés. On note quelques applaudissements,  mais aussi des sifflets à l’adresse des Marocains. Ces derniers ne cessent d’attaquer et finiront par réduire le score sur pénalty.


A la reprise, la physionomie de la partie est pratiquement la même : rushes multiples mais peu ordonnés face aux contres algériens. Moins d’une demi- heure après le repos, Bensaoula va de nouveau marquer et signer ainsi un hat-trick spectaculaire. Quatre minutes plus tard, l’ailier Redouane Guemri, brillamment lancé par Ali Fergani, inscrira le quatrième but algérien. L’addition sera complétée par Salah Assad sur passe de Bensaoula.

Cinq buts à un en match officiel à l’extérieur, c’est là indéniablement une victoire retentissante et en même temps la plus large défaite subie par le Maroc, généralement difficile à manœuvrer à domicile. C’était aussi là, la naissance d’une équipe et d’un état d’esprit débarrassé des doutes. Une fois de plus le match s’était déroulé dans un climat de correction totale et au  coup de sifflet final, le public marocain fit une ovation aux joueurs algériens après n’avoir pas cessé, durant la seconde mi-temps de réclamer la tête de Cluseau. Le match retour disputé à Alger ,sous une pluie  incessante, ne sera qu’une formalité pour les Algériens vainqueurs (3-0)devant une formation marocaine totalement remaniée et rajeunie après le limogeage de Cluseau et de tous les joueurs du match aller. Le gardien de but s’appelait Zaki Baddou  et deux des attaquants avaient pour nom Aziz Bouderbala et Mohammed Timoumi, trois  noms dont on entendra parler  au plus haut niveau quelques années plus tard.

La Libye, dernier obstacle sur la route de Moscou, biaisera longtemps au sujet des dates, refusera celles fixées par la FIFA avant de déclarer forfait, craignant sans doute de subir le même sort que le Maroc. Voici donc l’Algérie enfin qualifiée pour le tournoi des Jeux Olympiques après 3 tentatives infructueuses en 1968,1972 et 1976.


L’année 1979 se termine donc de manière très satisfaisante : il y a eu le tournoi à Split qui a laissé entrevoir les grandes capacités de ce groupe. Mais rien ne pouvant remplacer la victoire, c’est à mon avis la large victoire à Casablanca qui constituera le déclic décisif, le révélateur, tant pour les joueurs et leur staff technique, que pour les observateurs, de la naissance d’une belle équipe.

 

                                                                                    LA DEUXIEME CAN DE L'ALGERIE


Au mois de Mars 1980 débute la phase finale de la CAN, où dans le groupe B  d’Ibadan, l’Algérie, qui note le retour de Rabah Madjer, va faire match nul (0-0) face au Ghana,  avant de battre le Maroc(1-0) et la Guinée (3-2),  terminer en tête de son groupe et  recevoir le second du groupe A à savoir l’Egypte qui viendra lui donner la réplique. Et quelle réplique ! Puisque celle-ci va dominer et mener (0-2). Un extraordinaire sursaut des Algériens, en seconde période, va leur permettre d’égaliser et de gagner ainsi le droit de jouer la  prolongation. Laquelle ne donnera rien. La série des tirs au but sourira aux nôtres (4-2) et leur ouvrira la porte de la finale face au Nigeria, pays hôte, grandissime favori. 

Pour des raisons restées obscures, Khalef n’avait pas emmené suffisamment de joueurs. Les blessures, suspensions et l’épuisement de certains, l’obligeront à réclamer du renfort à  Alger. Vraiment anecdotique. Après le stade désert d’Ibadan en demi finale, les Algériens savent pertinemment ce qui les attend à Lagos, dans le chaudron de Suruléré. Que dire de cette finale ? Où les Nigerians, encouragés par tout un peuple, Président de la République en tête, ont désiré jusqu’au bout, cette victoire, face aux nôtres qui, ayant encaissé un but précoce, ont renoncé trop vite. Trois buts à zéro : telle fut la sanction de débats amplement à l’avantage des Aigles Verts qui venaient ainsi de remporter un nouveau tournoi organisé chez eux et en même temps prendre, sur les Algériens, la revanche des Jeux Africains de 1978. Pour la sélection algérienne, dont la progression se faisait à pas de géants, il n’y avait pas de quoi faire la fine bouche, lorsque l’on se remémore les désillusions d’un passé récent, chargé d’éliminations  dès le premier tour. Finaliste, l’Algérie était à sa place, une bonne place.

 

Après une pause de deux mois, la sélection s’en va, en Sierra Leone, à la découverte de nouveaux horizons africains et ce, pour le compte des éliminatoires de la Coupe du Monde de 1982. Match nul (2-2) à Freetown, buts de Bensaoula et Menad lequel inaugurait  ainsi joliment sa première sélection. Ensuite, victoire (3-1) à Oran, buts de Fergani, Bensaoula et Madjer : un premier tour aisément  franchi.  Nul ne pressentit un instant que l’aventure, qui venait de commencer en ce 31 Mai 1980, ne s’achèverait que 25 mois plus tard, en Juin 1982, à Oviedo, en Espagne !!

Aux Jeux de Moscou, en Juillet, l’Algérie va bien débuter. Logée dans le groupe B, elle bat sèchement (3-0) la Syrie (présente en remplacement du Japon qui boycotte les Jeux), grâce à des buts de Belloumi,( il s'agissait-là du 200° but de la sélection) Madjer et Merzekane. Mais rien à faire face à l’os est allemand : défaite (0-1).Pour se qualifier l’Algérie a besoin de réaliser le nul face à l’Espagne. C’est ce résultat (1-1) qu’elle obtiendra avec l’égalisation de Belloumi, après une heure de jeu.  

 
Ainsi s’ouvrait l’accès au quart de finale face à un adversaire coriace : la Yougoslavie, qui ne « fera pas de quartier » et nous inflige un sévère (0-3).Ce fut là la fin d’une saison marathonienne, la plus longue jusqu’alors. Commencée en Août 1979, soit onze mois plus tôt, elle se clôturait de façon plutôt flatteuse : 8 victoires, 6 nuls et 4 défaites. En tout 18 matches dont 2 seulement à domicile. Une fois encore, les supporters auront à peine fini de se réjouir qu’ils apprennent que Khalef quittait la direction de la sélection nationale. Les autorités lui auraient proposé d’aller passer une année de formation au célèbre Institut des Sports de Cologne. Mais Khalef préférait retourner à Tizi Ouzou et retrouver son club de la JS Kabylie.  Z. Raykov, lui, est toujours là qui prendra la relève.


Au sein de la Fédération de football, il y a désormais une Commission technique, chargée entre autres de l’équipe nationale, dirigée par l’ancien pro Salah Djebaïli. Milieu défensif du Nîmes Olympique, ce dernier avait su mener de pair, une carrière de footballeur professionnel et des études universitaires et post universitaires qui le mèneront jusqu’au poste de Recteur de l’Université des Sciences et Techniques d’Alger. Géologue-pédologue, il s’était très tôt, lancé dans des recherches sur l’écologie et l’environnement, à une époque où ces concepts et disciplines avaient un caractère plutôt confidentiel.


En vue de préparer la double rencontre face au Soudan, pour la Coupe du Monde 1982, la sélection se rend en Pologne où elle est étrillée (1-5). En Algérie l’on sait peu de choses sur le football soudanais, sinon  sa victoire en finale de la CAN 1970, disputée à Khartoum. Au mois de décembre pour le match  aller,  la sélection demeure maîtresse chez elle à Constantine, grâce à deux buts de Bensaoula et Fergani. Deux semaines plus tard, l’équipe nationale s’en ira arracher le match nul (1-1) qui signifie la qualification pour le tour suivant. Lors de ce match retour, on compte la présence des pros Noureddine Kourichi, Rabah Gamouh et Abdelghani Djadaoui. Pour le premier nommé c’était le baptême du feu. Pour les deux autres le retour au bercail de la sélection qui avait tant tardé : 5 ans pour Gamouh et 7 ans et demi pour Djadaoui ; le record de « pénitence » de ce dernier tient toujours debout.


En plus de l’Algérie, sept autres équipes restaient en course pour convoiter les deux places réservées au continent africain pour le Mundial espagnol. Il y avait là quelques clients sérieux : Cameroun, Egypte, Maroc et Nigeria. Mais également le Zaïre et la Guinée en déclin et enfin l’inattendu Niger. Le tirage au sort, bienveillant,  nous désignera ce Petit Poucet. Mais ce rendez-vous est encore lointain.

Dans l’intervalle, il fallait penser à la CAN, le prochain adversaire devant être le Mali. La rencontre face aux Maliens, jouée à Oran devant un public record, est l’occasion d’une très grande fête du football et d’une victoire retentissante (5-1)avec notamment un doublé de Madjer. Moins de 10 jours plus tard, à Bamako, l’équipe malienne  prend sa revanche et faillit créer  la sensation en l’emportant (0-3) mais ne gâchera pas la joie de la qualification.


Il s’agira très vite de s’occuper de l’autre voisin, le Niger  et surtout à ne pas le mésestimer. Ce qui n’est pas le cas, puisque 3 joueurs pros, Kourichi, Mustapha Dahleb et Djamal Zidane,  sont présents lors du match aller à Constantine. Djadaoui aurait pu espérer être de la partie, mais il est hors course. Plâtré à la suite d’une blessure, contractée en Coupe d’Europe avec son club de Sochaux, Abdelghani se contentera d’être un spectateur attentif. Un autre joueur, Bensaoula, bientôt atteint d’une hépatite, fera là sa dernière apparition avant d’abandonner les terrains de jeu pendant une année. Quant à Djamal Zidane, il renouait avec la sélection après plus de 6 années d’absence.


Les joueurs nigériens, inexpérimentés et peu habitués au tartan, résistent bien  avant que Madjer n’ouvre le score à la 44° minute. La seconde période offre un tout autre visage. Les visiteurs malmenés encaisseront 3 autres buts, parmi lesquels 2 furent l’œuvre de Belloumi, dont l’entente avec Dahleb aura été parfaite. Quatre à zéro,  tout est pour le mieux  me direz-vous ! Et rien ne laisse prévoir le départ subit et inexpliqué de l’entraîneur Z. Raykov, lequel, avec Khalef puis seul, se trouvait à la tête de la sélection depuis 2 ans. Selon la presse il  aurait démissionné pour des « raisons de famille ou de santé » (sic).


Il fallait parer  au plus pressé et  lui trouver un successeur pour le match retour. Abdelkader Bahmane, alors entraîneur du club de Hussein Dey et de la sélection Juniors, va jouer les utilités, en attendant l’arrivée d’un autre yougoslave, Milovan Ciric, venu « boucher les trous », une semaine avant le départ pour Niamey. Autant dire qu’il n’aura même pas le temps de connaître ni le nom, ni le visage des joueurs. M. Ciric avait connu son heure de gloire en 1960, quand il dirigea la sélection yougoslave et la conduisit en finale de la Coupe d’Europe des Nations.


Très peu motivée, notre équipe nationale ira faire acte de présence à Niamey, pour y être battue (0-1), mais elle est bien entendu qualifiée et aura tout l’été pour penser tranquillement à l’avenir. Ciric s’en retourne chez lui et Abdelkader Bahmane regagne sa banlieue. Rendez-vous est tout de même pris avec les joueurs pour le 20 Juillet. En l’absence de sélectionneur, c’est le Ministre des sports qui pourvoit à l’utile et à l’indispensable. Le 19 juillet, en plein mois de Ramadan, un court communiqué  annonce la désignation d’Evgueni Rogov à la tête de la sélection nationale. Ancien international de l’équipe de l’URSS, entre 1957 et 1959, Rogov, maître émérite des sports, enseignait le football à l’Institut supérieur des sports d’Alger. Trois jours plus tard, Mohammed Maouche, ancien membre de l’équipe du FLN et ancien joueur et entraîneur de différents clubs algériens après l’indépendance, rejoindra Rogov. Ce fut ensuite Rabah Saadane qui compléta le trio technique, en tant que préparateur physique.

Les vacances auront été courtes pour les joueurs qui reprendront le « collier » officiel pour le compte de la CAN et une très belle victoire (7-0),  face à la Haute Volta ( ancien nom du Burkina Faso ) grâce à 3 doublés réalisés par Madjer, Belloumi et l’avant centre Aït El Hocine. La cause est donc entendue ; le match nul (1-1) à  Ouagadougou permettra la qualification pour la phase finale de la CAN 1982. Mais chacun pense déjà au Nigeria que le sort a désigné en tant que dernier obstacle avant le Mundial espagnol. Personne ne peut s’empêcher de s’interroger si l’échec guette de nouveau. Cependant en dépit des doutes, chacun avait été le témoin de l’amélioration qualitative du jeu de la sélection nationale. Et au fond on  se prenait plus à espérer qu’à douter…
La défaite (0-3) en match amical face au club de Paris St Germain est une douche froide. Mais une douche salutaire à moins de 2 semaines du voyage à Lagos. Le staff technique va faire appel à quelques joueurs professionnels. En plus de Kourichi et de Djadaoui, deux néophytes Fawzi Mansouri, arrière latéral gauche de Monpellier-Lapaillade et Fethi Chebel attaquant de Besançon, sont là, aux côtés de Djamal Zidane et Rabah Gamouh.


A  Lagos, le climat, l’ambiance, tout est défavorable, voire hostile à l’équipe algérienne. C’est pour cette raison qu’à l’instar de Casablanca en 1979, c’est encore un arbitre italien, « il signore » Agnolin,  qui va diriger les débats à la demande de la partie algérienne. Le public lui, est  déjà prêt à voir  notre équipe dévorée tout comme 18 mois plus tôt. Mais il est vrai qu’un match de football ne ressemble jamais à un autre, puisque passés les assauts et attaques tous azimuts, tout à fait prévisibles des Nigérians, ce sont les Algériens qui, après une demi heure de jeu, ouvriront le score par  Belloumi, lequel subtilise la balle à un défenseur et s’en va battre le gardien Best. Le knock-out surviendra juste avant le repos, grâce à  Djamal Zidane qui conclut victorieusement une belle offensive initiée par Chebel. A (0-2), c’est la consternation dans le camp des poulains du célèbre entraîneur brésilien Otto Gloria. C’est aussi plus que n’espéraient Rogov et Maouche. Le résultat restera inchangé malgré tous les efforts des  Aigles verts.


En cette soirée du 10  Octobre, il ne reste plus qu’à égrener les jours qui nous séparent du fabuleux couronnement que chacun escompte pour le match retour fixé au 30 du même mois. A  Alger, la nouvelle pelouse du stade olympique est prête ; c’est pourtant à Constantine qu’aura lieu la seconde manche. Le tartan, tout autant que le public, entrèrent en ligne de compte dans ce choix. L’Algérie étant à 2 heures de vol et parfois moins, de l’Europe, ce match sera l’occasion d’un déferlement sans précédent d’envoyés spéciaux de la presse spécialisée étrangère. Des observateurs, des techniciens sont également présents pour donner une coloration vraiment internationale à cette confrontation afro-africaine. D’autre part une quinzaine de pays africains, du Moyen Orient et même d’Extrême Orient s’assurent les droits de retransmission en direct ou en différé.

Rogov et ses adjoints ne vont point innover. C’est à 90% l’équipe ayant  joué à Lagos qui sera reconduite. Le capitaine Fergani est suspendu et cinq joueurs pros seront alignés dès le coup d’envoi. Du côté de l’adversaire les augures sont…. bons ! En effet  après la défaite concédée à domicile, le sorcier brésilien Otto Gloria, a été remercié et remplacé par un Allemand du nom de Goller qui, à la surprise générale, déclare bien connaître l’Algérie et son football pour avoir travaillé à El Khemis ( Miliana ) en tant qu’ingénieur. Selon ses déclarations, son équipe, qui s’est préparée en Angleterre, ne vient pas faire de la figuration.


Lorsque l’arbitre suisse Daïna s’apprête à donner le coup d’envoi, on remarque que Rogov et ses pairs ont opté pour la prudence. Dahleb ne joue pas et ce sont deux milieux défensifs qui encadrent Belloumi. Peu importe cela ne devrait pas gâcher la fête de Constantine, commencée une semaine plus tôt ! La partie  débuta sous un ciel maussade et après quelques échanges anodins de part et d’autre, un long dégagement « en chandelle » du défenseur Larbés parvient à Zidane en position d’ailier gauche. Le milieu Mahyouz, sollicitant la passe, s’élance vers la surface entraînant avec lui deux défenseurs nigerians. C’est cependant latéralement que Zidane, de l’extérieur du pied, va servir Belloumi, bien lancé aux 20 mètres face au but adverse. Après un contrôle, le tir du n° 10 algérien va fuser à ras de terre. Le ballon heurte le bas du poteau droit et pénètre dans les filets. On jouait depuis 9 minutes.


En ouvrant ainsi le score, Belloumi venait de rééditer son exploit de Lagos. Les Nigérians se ressaisissent tout de suite et se mettent à bien, à très bien jouer. Ils vont peu à peu priver les Algériens de la possession du ballon et lanceront des attaques rapides et bien coordonnées. Les défenseurs algériens se défendent comme ils peuvent. Kaci Saïd et Mahyouz ne sont pas des milieux créateurs de jeu. Zidane se tient la cuisse. Il finira par céder sa place à Dahleb. Sans avant centre, le compartiment offensif n’est plus opérationnel, d’autant que les ailiers Madjer et Gamouh ne sont nullement sollicités. Poursuivant leur pression les visiteurs finiront par égaliser sur un coup franc. Juste récompense pour leurs généreux efforts.


La seconde période verra la répétition du même scénario : les Nigérians gardent la maîtrise des opérations, mais aucune de leurs actions ne va être concluante. Malgré eux,  les joueurs algériens doivent penser qu’un nul suffit à leur bonheur. Celui-ci sera toutefois plus intense lorsqu’à 6 minutes de la fin du match, après une superbe talonnade de Dahleb vers Belloumi, celui-ci effectue une longue ouverture en direction de Madjer, bien calé sur son aile droite. Ce dernier va ridiculiser son vis-à-vis en le lobant par un « coup du chapeau » et s’ouvre ainsi le chemin des filets. Du pied gauche, il va proprement fusiller le malheureux gardien Best, tout à fait impuissant, avant de s’écrouler à terre, frappé par l’émotion. Répétées plusieurs fois par le réalisateur de la TV algérienne, ces images vont faire le tour du monde. Et c’est en maillot rouge - qu’ils portaient cet après-midi là - que les « Verts et blancs » feront leur entrée historique sur les petits écrans des 5 continents.


L’Algérie se qualifiait enfin pour la Coupe du Monde. Oubliés le doute et les frustrations. Juste consécration aussi pour ce football algérien, sorti d’un long tunnel, qui confirmait sa bonne santé et qui, pour la seconde année consécutive, remporta la première place au classement annuel des nations africaines, établi par l’hebdomadaire français France Football. Par ailleurs Lakhdar Belloumi, son porte-drapeau depuis 2 saisons collectionnera les trophées en cette fin d’année 1981. A moins de 23 ans, il sera tour à tour élu « Meilleur sportif algérien » par la presse algérienne, « Champion africain »  par un jury regroupant 10 organes de presse africains et enfin « Ballon d’Or africain », récompense décernée par France Football. Tout cela lui vaudra de faire la couverture du mensuel spécialisé londonien « World Soccer ».


 [ Un bonheur n’arrive jamais seul dit-on….Au mois de Décembre, la JS Kabylie va s’adjuger brillamment la Coupe d’Afrique des clubs champions après un parcours presque sans faille. Le second trophée remporté par un club algérien après celui du Mouloudia d’Alger en 1976. ]


Une personne au moins aurait aimé être le témoin de ces accomplissements historiques : Abdallah Benyakhlef, inamovible journaliste sportif à la radio et à la télévision algériennes pendant près de 20 ans. Il aurait eu là, sans aucun doute, l’occasion de nous faire apprécier ses commentaires frappés du plus pur des humours, auquel il avait habitué ses fidèles auditeurs. Malheureusement le destin en avait décidé autrement.  Depuis un mois, Abdallah, mon ami d’enfance, notre condisciple nous avait quittés tous : sa famille, ses proches, ses amis, à moins de 50 ans.

Allergique depuis l’adolescence à tout ce qui peut être considéré comme contraignant ou obligatoire, il s’était forgé une philosophie toute personnelle de la vie, où la camaraderie occupait la première place. Il avait trouvé très tôt dans le reportage sportif un exutoire tout naturel pour celui qui aurait pu devenir un bon footballeur, s’il n’avait rechigné à cette discipline indispensable qu’est l’entraînement régulier. Il accomplissait son métier dans la bonhomie et la bonne humeur. Jamais il ne versa dans le triomphalisme. Et il fit sans cesse preuve d’optimisme pour l’avenir, dans les moments les plus difficiles que le football algérien eut à traverser.

 

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