L’ ERE MEKHLOUFI 
                                         
                                        N’ayant  point accompli de miracle, Makri s’en ira par la petite porte. Et c’est dans  une atmosphère de tension extrême que les milieux sportifs attendent la suite. Dans  moins de 2 mois l’Algérie  aura à abriter  les Jeux Méditerranéens et ainsi relever un défi d’importance pour un pays  nouvellement indépendant dont les athlètes doivent se mettre en évidence. La  désignation de Rachid Mekhloufi à la tête de la sélection de football  provoquera des sentiments divers. Dès la parution de la liste des joueurs  présélectionnés, d’aucuns écarquillent les yeux afin de bien lire les noms. En  effet, en dehors de Safsafi et Betrouni, les autres sont pratiquement inconnus  du grand public. Pourtant Draoui et Keddou avaient déjà connu les joies de la  séle ction. L’essentiel est que dans leur grande majorité, ils sont tous familiers  au nouveau sélectionneur qui les a dirigés au sein de la sélection militaire.
                                        
                                          Dans son  groupe, l’Algérie réalisera un sans-faute en battant les amateurs français  (2-0) et grecs (5-0) puis l’Egypte (1-0) et enfin la Libye (2-1). Ce qui lui  ouvre les portes de la demi-finale face à l’inévitable Tunisie…Inutile de  préciser que le stade est plein à craquer. Finale avant la lettre ? Les  spectateurs n’en ont cure. Ce qu’ils souhaitent c’est la victoire devant la  Tunisie. Intense,  animé, plein  d’exploits personnels, le match va tenir ses promesses et même au-delà jusqu’à  la prolongation. Le grand bonhomme   (certes petit par la taille) en sera Aïssa Draoui, le nouveau maître à  jouer de cette sélection, déjà auteur de 4 des dix buts de son équipe. Il  offrira à son ailier Naïm la passe du 1-0. Et à la suite de l’égalisation tunisienne,  il s’infiltrera jusque dans la zone des 6 mètres pour venir battre de près  le gardien Attouga durant la première période  de la prolongation.
                                        
                                          L’Algérie,  incontestablement la meilleure équipe du tournoi, venait de frapper d’une  pierre deux coups : montrer que le « signe indien tunisien »  pouvait être exorcisé et elle accédait pour la première fois à une finale dans  une joute internationale. 
                                        
                                          Les membres  du Comité d’organisation des Jeux se frottaient les mains, eux, qui avaient  programmé la cérémonie de clôture immédiatement après la finale du tournoi de  football. Les voilà donc assurés d’un stade comble pour le défilé final. A  condition, l’appétit vient en mangeant, que les joueurs algériens remportent la  médaille d’or….Après 35 minutes de jeu, ils ne semblaient pas en prendre le  chemin, puisque Olivier Rouyer, futur international français, surprend le  gardien Cerbah, d’un tir tendu des 25 mètres. Et les Français ne se gênent  nullement pour dominer les débats.
                                         
                                        Bref. Avec  un résultat défavorable (0-1) et un arbitre espagnol envahissant, qui prenait plus  de place que les 22 acteurs, il n’y avait pas lieu de pavoiser du côté algérien.  Dans les tribunes, Juan Antonio Samaranch, alors Vice Président du Comité des  Jeux me dit à propos de son compatriote d’arbitre : «il est fou,  il veut nous provoquer une émeute ! ». Pour l’information de tous, je  préciserai que quelques semaines plus tard et grâce à la télévision espagnole,  j’apprendrai que Mr Urrestarazu, déjà récusé par différents clubs de la Liga,  venait de l’être également  par  l’Atletico de Madrid.
Il n’y eut  évidemment point d’émeute et nullement en raison d’une soudaine générosité de  l’arbitre  envers l’équipe algérienne,  dont les joueurs ne semblèrent   d’ailleurs guère affectés par l’arbitrage.
                                         De fait, au retour des  vestiaires,  ils étaient repartis à  l’assaut des buts de Duval. Ce n’est pourtant qu’au milieu de cette seconde  période que les Algériens vont égaliser par Mokhtar Kaoua, entré en seconde  mi-temps. Joie de courte durée car les Français reprennent l’avantage, grâce à  Schaer, sur pénalty. Il faudra attendre l’ultime minute du temps réglementaire  pour voir Betrouni, avec la complicité d’un défenseur français, niveler le  score et ouvrir la porte de la prolongation. Il n’est point besoin d’être fin  psychologue pour deviner que dans une telle situation le moral des joueurs  français prit un sérieux coup. Se croyant arrivés au but, les voilà obligés de  jouer encore 30 minutes.
                                        L’attente va  durer. A la 111° minute, à l’issue d’un énième   corner en faveur des Algériens, le défenseur Rabah Menguelti, sorti on ne sait  d’où, va d’un long coup de tête lober partenaires et adversaires, agglutinés  dans la surface et envoyer le ballon dans le coin droit des filets. Il signait  là le seul but de sa carrière. Mais un but décisif et historique, synonyme de  la première victoire du onze algérien dans une compétition internationale. Avec  de nouveaux venus, Mekhloufi venait de gagner un très important pari.
                                        C’est en  2007 seulement que, de la bouche de Mekhloufi, l’on saura que la prime accordée  à chaque joueur, pour cette médaille d’or, s’était élevée à 5.000 dinars.
                                        Les lampions  vont devoir bientôt s’éteindre en ce mois de septembre qui coïncide avec le début  du mois de Ramadan, ce qui permettra à la sélection de se reposer, mais si peu.
                                        Début  Janvier 1976, deux victoires en matches amicaux face à l’Egypte et l’Arabie  Saoudite permettront à Rachid Mekhloufi et ses hommes d’établir le record de 8  matches consécutifs victorieux (les 6 des Jeux méditerranéens plus ces 2  derniers).
                                         La Tunisie étant passée par là, l’Algérie n’avait plus que les éliminatoires de  la Coupe du Monde 1978 au programme,  le  premier adversaire étant la Libye. Au mois d’Avril, la qualification sera  arrachée d’un cheveu (1-0 et 0-0) à la faveur du but marqué en match aller par  Betrouni encore une fois décisif. Le carrousel des matches amicaux se  poursuit  faute de mieux, la  « bagatelle »  de 17 matches , 22,  si l’on y ajoute ceux disputés contre des  équipes de clubs).
                                        
                                          Signalons tout  de même que l’année 1976 fut très faste pour le Mouloudia d’Alger qui réalisa  un triplé historique, une performance encore inégalée à ce jour, à savoir, gagner le championnat, la Coupe  d’Algérie et enfin la Coupe d’Afrique des clubs champions, celle-ci étant la  première remportée par un club algérien. 
                                          
                                        A l’orée de  la nouvelle saison 1976-77, Mekhloufi et ses hommes reprennent leur bâton de pèlerin.  Cinq rencontres amicales en 5 mois,dont l’une, amicale à Benghazi contre la Libye, passe  totalement inaperçue, alors qu'il s'agit du 100° match international de notre sélection nationale. L'autre le 10.10.1976, à Tirana, marqua  la sortie de l’Albanie de 4 ans d’isolement international. Tout ceci en vue de  préparer la double confrontation avec l’inévitable Tunisie (CDM) et le Kenya  (CAN). Avec les voisins tunisiens la « guéguerre » commencera très  tôt à propos des dates des matches sur lesquelles les deux Fédérations  n’arrivent pas à s’entendre. A cette époque la CAF et la FIFA  se contentaient de fixer une date  butoir. L’Algérie souhaitait une date pour le match à Alger lui permettant  de pouvoir inclure dans ses rangs Mustapha Dahleb qui, avec le Paris St  Germain, faisait se pâmer de plaisir, spectateurs et journalistes de France et  de Navarre…En définitive la date arrêtée par la   FIFA , le 28 février, survenait au lendemain d’un match du PSG et ne  favorisait nullement la partie algérienne sans recours possible.
                                        
                                          Le 6 Février,  au stade d’El Minzeh de Tunis, l’équipe algérienne succombera (0-2) après une  prestation véritablement faible ; Ali Bencheikh faisant une apparition  trop tardive et trop brève. Mais l’espoir subsiste pour la seconde manche.  Surtout qu’entre-temps, dans le cadre des éliminatoires de la CAN, le Kenya est  facilement battu (4-1), ce qui remet du baume au cœur à tout un chacun qui a pu  constater que l’inclusion de Ali Bencheikh et Djamal Tlemçani dès le coup  d’envoi avait été bénéfique. Tout comme celle d’un novice, l’avant-centre  Mokrane Baïléche, auteur de 2 buts.
                                        
                                          Une dizaine  de jours plus tard et malgré une très belle prestation, la sélection algérienne  ne pourra faire mieux que concéder le nul (1-1) et sera éliminée. Mustapha  Dahleb, qui jouait là son second match en 48 heures, fut sévèrement marqué à  deux niveaux par les défenseurs tunisiens. Et son entente avec Bencheikh et  Draoui fut loin d’être parfaite. La déception, une fois  de plus, est immense et quelques énergumènes  ne vont pas se priver de le manifester de manière inadmissible : en  saccageant autobus et vitrines, certains allant même jusqu’à s’en prendre à la  maison de l’entraîneur national Mekhloufi. Malgré tout, il faut penser à  achever la saison et honorer les engagements officiels. L’obstacle kenyan  franchi, c’est au tour de la Zambie de nous éliminer de la course vers la phase  finale de la CAN 1978.Egalité parfaite entre le match aller et le retour (2-0  et 0-2), le dernier mot revenant aux zambiens aux tirs au but ( 6 à 5 ).
                                        
                                          Cela  signifie qu’il aura fallu boire le calice jusqu’à la lie. Pas de Coupe du  Monde, pas de Coupe d’Afrique, on s’interroge sur le pourquoi d’une telle  situation. Alors que depuis que Mekhloufi a pris l’équipe en charge, les  conditions de travail se sont nettement améliorées. Alors aussi,  que depuis l’année 1977 est entré en vigueur  le nouveau Code de l’Education physique et sportive. Entre autres provisions,  celui-ci avait prévu l’intégration des associations sportives au sein des  unités économiques, culturelles ou administratives. Le code avait aussi défini  les droits et devoirs de l’athlète de performance et les joueurs de football  vont bien entendu être les premiers bénéficiaires des avantages de ce statut.
                                        Le mécénat  et le volontariat, en vigueur jusque là dans les clubs, vont laisser place à  des structures théoriquement bien huilées, dépendant de différentes sociétés et  entreprises nationales ou régionales, telles la Sonatrach, la Sonacome, la  Sonelgaz, la compagnie de navigation maritime CNAN, Air Algérie  etc… Les joueurs sont dorénavant des employés  de ces unités. Et s’ils doivent pouvoir bénéficier d’horaires aménagés leur  permettant de s’entraîner, ils sont également en droit d’attendre un programme  de formation ou d’apprentissage sur un poste de travail. Par ailleurs, les  entraîneurs des différents clubs sont recrutés et affectés par les soins du Ministère  des sports qui puisera dans le collège des formateurs, diplômés ou anciens  membres de l’équipe du FLN,  secondés par  des techniciens étrangers issus généralement des pays de l’Europe de l’est. 
                                         
                                        Huit mois  sans jouer ; c’est le temps que la sélection va passer à  « somnoler », jusqu’au mois de février 1978 et les  matches amicaux à Baghdad  (encore deux  défaites face à l’Irak, 0-3 et 0-1) et à Damas  ( victoire 1-0 face à la Syrie ). Puis de nouveau l’Irak à Alger (0-0 et 1-1)  juste avant l’échéance des Jeux Africains qu’organise l’Algérie.
                                        Pour ces  joutes africaines, la sélection algérienne, qui ne compte que 4 rescapés des  Jeux méditerranéens, affronte l’Egypte (1-1) la Libye (2-1) et le Malawi (3-0) et  se qualifie pour les demi finales. Pour jouer contre qui ? Ghana ou  Nigeria ? Mais dans le groupe, il reste encore le match entre Libyens et Egyptiens.  Alors que l’Egypte mène 1-0, des incidents provoqués par les joueurs libyens vont  entraîner l’arrêt du match, après un pugilat général entre joueurs des deux  équipes que les forces de police mettent longtemps  à séparer). La sélection libyenne est  logiquement suspendue. 
                                         Mais malheureusement  survient aussi le retrait de la délégation  égyptienne qui tient l’Algérie pour responsable des incidents et se retire des  Jeux. 
                                        Décision malheureuse  et déplacée  s’il en est qui empoisonnera les relations sportives  entre les deux pays de longues années durant. Ce retrait  remet le Malawi en selle pour la demi finale,  au cours de laquelle il subira la loi du Nigeria, l’Algérie pour sa part  battant (2-0) le Ghana. Vainqueur de la CAN jouée chez lui, The Black Star,  surnommé ainsi en raison de l’étoile noire qui figure sur le drapeau du pays et  non The Black Stars, comme on continue à tort et presque partout de le  baptiser, bref, cette équipe ghanéenne vieillissante n’était plus que l’ombre de  celles de leurs illustres, spectaculaires et brillants aînés.
                                        La chaleur  torride qui s’était  abattue sur le pays  depuis la mi Juillet est toujours là, telle une chape de plomb, ce qui ne  diminue pas  l’ardeur des athlètes lancés  dans une course effrénée aux médailles entre le Nigeria, la Tunisie et le pays  hôte. Aussi la finale de football s’avère-t-elle être un match dans le match.  Elle sera finalement très décevante. L’Algérie l’emportera (1-0) grâce à un but  inscrit en première période par Bencheikh sur passe de Belkedrouci ; les  poulains de Mekhloufi s’assurant ainsi une seconde médaille d’or après celle  des Jeux méditerranéens.
                                        La  préparation se poursuit face au Congo battu (3-0) à Constantine, à la Turquie  qui baisse pavillon chez elle (1-0), mais la Pologne avec entre autres les  « clients » Boniek et Lato viendra s’imposer (0-1) à Alger. Bilan  assez positif qui augure d’une bonne prestation face au Mali lors des matches  de qualification pour les Jeux de Moscou (1980). Cela a toutefois failli  « coincer » car ce n’est qu’aux tirs au but que l’Algérie va passer.  
                                        Il reste par ailleurs un tour de Coupe d’Afrique des nations à disputer contre  la Libye, quand se produit le coup de théâtre : l’annonce du départ de  Rachid Mekhloufi que rien ne laissait soupçonner. Et pour cause. La raison  n’était nullement en relation avec la sélection A, mais concernait la sélection  juniors (moins de 20 ans), championne d’Afrique, deux mois plus tôt, et à ce  titre qualifiée pour la phase finale du championnat du monde de la catégorie  devant se dérouler au Japon.
                                        Mekhloufi  avait intercédé en faveur de son collègue et ami Abdelhamid Kermali,  responsable des ces jeunes, afin de lui faire obtenir de meilleures conditions  pour lui-même et ses joueurs. N’ayant pas reçu de réponse positive, nos deux  compères démissionnent. Deux sélections nationales se retrouvaient subitement  sur le pavé, sans entraîneur…
                                        Mahieddine  Khalef,  entraîneur du club de la JS  Kabylie,  prendra la relève de Mekhloufi  et achèvera la saison en éliminant la Libye (3-1 et 0-1). Dans la confusion qui  règne, c’est à peine si l’on se rend compte que l’Algérie est enfin qualifiée  pour une phase finale de la CAN. Il lui aura fallu pour cela 12 années  complètes.
                                        D’autre  part, c’est son adjoint, Rabah Saadane, qui succédera à Kermali. Il conduira la  sélection des juniors jusqu’au quart de finale, disputé face à l’Argentine,  future championne du monde dans ce tournoi et qui comptait dans ses rangs un  certain Diego Maradona mais  aussi Diaz,  Calderon etc…vainqueurs (5-0) d’une sélection algérienne comprenant dans ses  rangs,entre autres, Djamal Menad, Hocine Yahi et Mohammed Chaïb qui, plus tard,  totaliseront, à eux trois, près de 180 sélections en équipe A. 
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